VANKILA
Nous avons été introduits sur le site, la géologue Aakíí et moi-même, par les équipes stationnées en surface. Nous avons enfilé casques et baudriers puis nous sommes descendus en rappel sur environ cent mètres de profondeur. Une ouverture percée à travers la dalle supérieure permet le passage d’une échelle de corde, laquelle débouche au cœur de la chambre souterraine.
Le coordinateur Issoh s’est révélé à la hauteur de sa réputation. Dès notre arrivée, il s’est empressé de venir nous saluer, a loué la qualité de nos recherches respectives sans jamais pour autant entrer dans les détails. Il a enjoint à ses troupes de nous réserver un accueil chaleureux. Chacun ici connaît la vraie nature du coordinateur ainsi que son intention de briguer un poste de conseiller au cours des prochaines élections, et il apparaît sans mal à un vieil homme tel que moi que l’étude de l’histoire ancienne ne revêt pour lui d’aucun intérêt particulier.
La chambre est jonchée d’étais tirés du sol au plafond. Des projecteurs, des batteries portables engorgent le passage, sans compter les déplacements incessants des ouvriers. Les murs, lézardés par endroits, sont couverts d’inscriptions. Le monolithe présente à mi-hauteur un jeu de pictogrammes figuratifs. Les silhouettes de ce que j’estime être ses concepteurs dansent autour d’un symbole en forme de disque entouré de trois sixièmes de disque tronqué. La base, formée de plusieurs compartiments étanches, renferme des lots de tablettes de saphirs gravés, lesquels semblent constituer à eux seuls une inépuisable source d’informations. J’ai pu échanger avec la géologue Aakíí au sujet de l’architecture des lieux, et celle-ci m’assure que l’homogénéité des couches de sédiments environnant la structure tend à une unique conclusion : le site aurait été enseveli volontairement selon des procédés jamais observés auparavant.
À ce stade, je ne préfère pas m’avancer, mais je puis affirmer au terme de cette brève étude de la présence de caractères communs aux codes linguistiques des premiers hommes. Il pourrait s’agir d’une découverte historique.
Les autorisations ont été obtenues, le site évacué. La Forêt commence doucement à revêtir les teintes de l’automne. Les bras mécaniques des modules de forage ont remplacé les mains humaines.
Les analyses confirment nos précédentes observations, à ceci près que nos sondes datent la structure de plusieurs milliers d’années, bien au-delà de nos premières estimations. Les tablettes de saphir font l’objet de la plus fine expertise. Nos linguistes peinent à en déchiffrer le contenu, mais les premières traductions font état de la présence d’une seconde construction enfouie sous la chambre. S’agirait-il d’une sorte de sépulcre, un monument dressé en mémoire d’un dirigeant révéré, ou de quelque divinité souterraine ? Le coordinateur Issoh correspond à présent chaque soir avec les grands médias.
Les ouvriers préposés à l’excavation ont mis à jour les contours d’une immense porte nue, laquelle s’est révélée scellée sur ses gonds. Un cartouche soudé à son sommet présente une inscription. Un avertissement sans doute réservé à de potentiels intrus.
Le coordinateur Issoh s’est empressé de remonter au Conseil ce qu’il estime déjà comme sa découverte. Il a joué de ses relations et sollicité l’envoi de plusieurs charges explosives de haut niveau.
La géologue Aakíí et moi-même nous nous sommes opposées à son projet. Les débats ont donné lieu à de vives confrontations. Nous ignorons à ce jour ce qui se trouve derrière la porte, mais la moindre détonation risquerait d’endommager de précieuses reliques, ou pire, de provoquer un terrible éboulement, voire une réaction en chaîne. Je refuse de sacrifier ces ruines à l’arrivisme électoral de quelques politiciens chevronnés.
Le coordinateur a fini par céder. Les ouvriers entament en ce moment une analyse poussée des mécanismes de la porte. Elle ne tardera pas à tomber.
La lutte nous a rapproché la géologue Aakíí et moi-même. Son mutisme obstiné et son intransigeance en ce qui concerne la sécurité du chantier cachent en réalité un enthousiasme débordant à l’endroit de nos découvertes. La présence de la géologue Aakíí me rassure. Ses récits passionnés de randonnée à vélo et son insatiable appétit botanique me replongent non sans nostalgie au temps de ma prime jeunesse, et je distingue au fond de son regard l’engouement des nouvelles générations. L’avenir de nos sociétés est entre de bonnes mains.
Je n’ai pas pu avoir d’enfants ni n’en ai jamais réellement désiré. J’ai grandi à la suite d’un épisode de haute natalité, sous le verrou d’un strict contrôle des naissances. J’ai pu ainsi explorer la Forêt, j’ai pu voyager, cultiver la terre, étudier, me tromper, me perdre, tout recommencer. J’ai enseigné dans de grands amphithéâtres et confronté mon point de vue avec celui d’éminents scientifiques. Ces expériences ont façonné l’homme que je suis aujourd’hui, et lorsque tombe enfin, sous les lames brûlantes des ouvriers, la porte démesurée du temple de « VANKILA », mon vieux cœur se gonfle d’allégresse au souvenir de mes choix passés.
« VANKILA ».
Par un jeu habile de comparaison avec les archives de nos centres de données, nous sommes parvenus à obtenir une traduction rudimentaire du cartouche d’entrée. En voici une retranscription moderne :
« VANKILA ne doit pas être troublé. Ce n’est pas un endroit où vous pouvez vivre. Tenez-vous en éloignés, et vous serez en sécurité. »
J’ai récité ces mots en présence de l’équipe, et les différents témoins ont observé tout du long un silence solennel avant de laisser éclater leur joie. Le brouhaha typique des grandes conversations s’est répandu parmi nos gens, en douce musique réconfortante.
Les grands arbres ont déjà perdu de leur feuillage. Les nuits sont fraîches. Nous descendons chaque jour sous la surface, et il arrive fréquemment que nous n’apercevions pas le soleil de la journée.
La porte dissimule un tunnel maçonné soutenu de plusieurs arceaux. Des câblages complexes courent le long des murs et au plafond. Les vestiges d’une antique voie ferrée s’enfoncent dans les profondeurs de la terre. D’étranges blocs métalliques ont aussitôt attiré notre attention. Nous avons remonté l’un d’eux pour un examen approfondi.
C’est un fait maintes fois prouvé, la technique des premiers hommes n’a rien à envier à celle de nos proches ancêtres, et il apparaît aux yeux même du plus distrait de mes étudiants qu’il s’agissait d’êtres sensibles, curieux de tout, des scientifiques, des poètes, des philosophes, loin des caricatures barbares brossées par nos contemporains.
En poussant plus loin l’exploration, nous avons exhumé trois puits scellés disposés en arc de cercle. La géologue Aakíí a conclu à une profondeur étonnante : cinq-cents mètres au moins, sept-cents depuis la surface. Plusieurs hypothèses ont été abordées : celle, d’abord, de conduits d’aération connectés à la seconde structure, d’un système de tractation ou d’un ascenseur mécanique. La suite de la galerie descend en pente douce sur environ cinq cents mètres. Le rail observe alors une boucle à angle droit. Une eau noirâtre goutte du plafond. Une épaisse couche boueuse s’agglomère au sol.
À présent, le coordinateur Issoh me consulte à tout bout de champ. Il souhaite connaître mes théories, réclame mon opinion en toute circonstance. Une estafette quitte chaque soir ou presque ses appartements, et je sais de source sûre qu’il agrémente de mes citations ses missives au Conseil.
Les fouilles ont été pour un temps interrompues. Les derniers rapports font état de cas de vomissements et de diarrhées aigus chez les ouvriers. Il s’agirait selon les services sanitaires d’une intoxication alimentaire.
Le sentier boueux a laissé place à un épais bouchon calcaire. Un mur solide situé près de la seconde boucle engorge notre avancée. La géologue Aakíí est sur le pied de guerre. Les modules attendent le retour des travailleurs.
Le bloc métallique s’est révélé être une sorte de générateur. L’étude des composants témoigne d’un faible rendement énergétique produit par effet de combustion. Nos spécialistes ont su tirer de l’antique carcasse d’infimes résidus d’un liquide d’origine inconnu.
La principale fonction du temple de VANKILA reste une énigme. Car il s’agit bien d’un temple, sinon d’une cité pourvue d’un temple. Les dernières traductions corroborent cette idée. Les tablettes mentionnent l’existence d’un artefact ancien : une flamme inextinguible aux propriétés destructrices. Tout porte à croire qu’il s’agit du symbole au centre de l’iconographie de la première chambre.

Les tentatives répétées du coordinateur Issoh ont porté leur fruit. Le Conseil s’est réuni. La population a voté en écrasante majorité une extension du budget alloué à l’expédition. Nous disposons à présent non seulement d’une importante couverture médiatique, mais surtout d’un accès privilégié au réseau holistique des cités. Des ingénieurs en tout genre, des techniciens, des architectes, des artistes se proposent de mettre en commun leurs connaissances. Il se dit qu’il s’est opéré une véritable migration au cœur de nos infrastructures publiques.
Je reconnais au coordinateur cette qualité. Il a su attirer sur nous l’attention des masses et nous a ouvert en grand les portes du Conseil. Le suffrage de nos concitoyens nous a offert des moyens inédits, et je ne peux que m’incliner devant ses prouesses oratoires.
Les modules sont parvenus à venir à bout du bouchon calcaire. Les sondes de nos géologues ont mis à jour les berges d’une rivière souterraine.
L’expédition a franchi le cap des cinq-cents mètres, mais nos effectifs s’amenuisent en l’absence des ouvriers malades. Les travailleurs commencent à fatiguer. Nos sens s’affolent une fois rendus sous la surface, et il arrive fréquemment que nous perdions toutes notions du temps.
À la demande d’Aakíí, le coordinateur a accordé un congé exceptionnel à nos équipes. La tâche semble insurmontable. Le rail s’enfonce toujours plus loin dans les entrailles de la Terre.
Le réseau holistique a permis de nouvelles traductions. La découverte d’une forme archaïque de tableaux périodiques des éléments bouleverse nos acquis. Preuve est faite désormais que les premiers hommes disposaient d’une connaissance partielle des énergies naturelles, théorie déjà largement étayée par bon nombre de nos contemporains.
Les cas de vomissements ne cessent d’augmenter, corrélés le plus souvent à de fortes poussées de fièvre. Les malades sont remontés à l’aide de nacelle. L’eau et la nourriture ont été contrôlées. Des prélèvements en sous-sols ont eu lieu, mais les analyses n’ont rien donné. Les travailleurs descendent à présent munis de combinaison de protection bactériologique.
Le « feu » était craint par nos lointains ancêtres, en témoigne cette ébauche tirée de la première chambre :
« L’homme a conquis le monde entier. Il a apprivoisé le feu. Un jour, il a trouvé un nouveau feu, un feu si puissant qu’il ne pouvait pas l’éteindre. À sa grande horreur, il découvrit que son nouveau feu pouvait créer, mais aussi détruire. Il pouvait brûler l’intérieur des êtres vivants. »
Ce court récit présente selon moi tous les traits d’une fable allégorique. « L’homme », empreint d’un sentiment de toute-puissance, conscient de son potentiel destructeur, s’adresse à lui-même une mise en garde. Il appelle ses descendants à redouter leur propre feu intérieur. Il pourrait bien s’agir de la clef de l’énigme.
VANKILA serait la matérialisation de cette volonté de contrôle. Les premiers hommes, incapables de gérer leur pulsion, auraient entamé la construction d’un sépulcre où enfouir leurs démons, un temple voué à l’oubli.
C’est tout à fait stupéfiant.
Les premières neiges ont recouvert les cimes de la canopée. Nous fêtons ce soir la découverte d’une seconde enceinte ainsi que les cent premiers jours de l’expédition.
Le coordinateur Issoh a produit un long discours en présence des membres du Conseil. Il a tenu à saluer en personne la qualité de notre travail, son apport considérable au patrimoine culturel de l’humanité.
Les grands organismes de presse se sont emparés du sujet. L’exploration du temple de VANKILA fait l’objet de toutes les spéculations. Les échos de nos aventures retentissent jusqu’aux confins de la Forêt.
Le rail débouche, à une profondeur d’environ six-cents mètres, sur un dôme gigantesque en forme de cloche également relié selon nos calculs aux trois puits scellés exhumés en surface. Les sondes révèlent une épaisseur prodigieuse, mais attestent de légère variation au bas de ses fondations. C’est là que nous pratiquerons l’incision. Le cœur du site nous sera bientôt accessible, et à l’heure où j’écris ces lignes, nos fidèles ouvriers découpent à l’aide de leurs scalpels des portions entières de l’immense cloche.
Nous nous trouvons à présent sur le seuil, prêt à pénétrer les mystères du passé.
Nous avons commis une terrible erreur. Il n’existe aucune cité ni le moindre bâtiment religieux. Il n’y a là-bas qu’un gouffre béant, immonde. Un abîme de corruption.
Le dôme contient un bosquet massif de racines sans branches ni feuillages. Le sommet de la structure présente d’importants dégâts. Une eau teintée de lumière vive, sans doute en provenance du fleuve souterrain, s’écoule du plafond en direction des profondeurs. Il préside en ces lieux un silence inconcevable. La nature semble s’être figée à jamais face à l’horreur confinée en sous-sol.
Bon nombre d’entre nous souffrions de vomissements au cours des dernières vingt-quatre heures. D’autres ont subi de sévères brûlures au contact des racines ou de la cloison intérieure. Le coordinateur Issoh a d’abord refusé les premiers soins, puis, devant la gravité de son état, a accepté d’être transporté en surface. Il se repose en ce moment sous la garde de nos meilleurs médecins.
Le Conseil projette de se réunir en urgence, et il apparaît à tout un chacun que toute tentative d’intrusion sera désormais prohibée.
Il va sans dire que je soutiens cette ordonnance.
Les cas récents de ce que l’on pensait être de banales intoxications alimentaires, les fièvres, les brûlés du dôme, tous font état des mêmes symptômes. On constate chez les malades des saignements aigus, des scléroses, des malformations ou l’arrêt simultané de plusieurs organes. Le bilan des victimes s’alourdit d’heure en heure. Les mourants sont placés en quarantaine, privés de la présence de leurs proches, car on suppose l’affection contagieuse une fois rendue à maturité. Aucune cure ne permet à ce jour d’en réchapper.
Le coordinateur Issoh a insisté pour réunir les survivants. Il nous est apparu très affaibli, j’ignore par quel prodige il est encore capable de se tenir debout.
L’émergence de l’épidémie a mis à mal nos instances politiques. Les autorités peinent à juguler les inquiétudes de la population. L’interdiction n’a toujours pas été ratifiée. Le Conseil ne réagira pas à temps.
Le coordinateur a appelé les témoins à juger de la situation par eux-même, sans tenir compte des lois. Lui projette de redescendre une dernière fois. Révéler au péril de sa vie l’épicentre de la maladie, en tirer toutes les conclusions possibles. Il déclare avoir aperçu au fond du gouffre le départ d’une nouvelle galerie, laquelle donnerait selon nos estimations sur l’antichambre du complexe. Peu de nos concitoyens sont capables d’un tel dévouement.
Son discours enflammé lui a valu le soutien d’une partie de nos équipiers. Sans surprise, la géologue Aakii s’est rangée dans le camp opposé. Elle a appelé les mutins à faire preuve de discernement, a souligné que leurs choix allaient en l’encontre du processus démocratique. Elle n’a cessé de me fixer du regard tout du long, tant et si bien que je me suis retiré sans un mot de la table des négociations.
J’ai besoin de remettre de l’ordre dans mes idées.
Comment ai-je pu être aussi stupide. Les premiers hommes connaissaient mieux que quiconque les dangers du « feu ». Ils ont tout mis en œuvre pour nous prévenir.
Nous sommes pourtant descendus là-bas, nous avons creusé la terre et abattu leurs défenses. Et maintenant ces fièvres, ce mal abominable. Je porte dans cette affaire une lourde responsabilité. Je n’ai pas su interpréter les signes ou ai préféré les ignorer. Je me suis borné à traiter leurs messages sous le seul prisme de la superstition.
Ma décision est prise. J’accompagnerais Issoh au cœur du complexe. Je corrigerais mon erreur. Le vieil homme que je suis a fait son temps, et si je puis permettre que nos enfants continuent à jouir de l’existence paisible qui est la nôtre, alors je suis prêt à donner ma vie sans hésiter.
Je dédis ces quelques lignes au Pr.Omah, anthropologue et homme de conviction. Nous n’avons pas toujours été en bons termes tous les deux, mais je ne peux que saluer le courage et la dévotion de celui qui fut reconnu parmi les plus brillants esprits de sa génération. Que son sacrifice reste à jamais dans les mémoires.
Nous avons réuni le matériel nécessaire et nous sommes enfoncés sous la surface. Nous avons emprunté les tunnels, arpenté l’intérieur du dôme. La traversée fut difficile, la descente, épouvantable. La corruption pénètre jusqu’aux cockpits de nos modules. Plusieurs d’entre-nous s’écrasèrent sous nos pieds, les membres brisés, les chairs déformées de cloques. Le bosquet tout entier semblait se dresser contre nous.
L’eau et la végétation ont envahi le cœur du complexe. Cet immense réseau de galeries souterraines est saturé de caissons rangés en ligne. Ils présentent des fractures importantes et révèlent la présence de carbone cristallisé. Après diverses tentatives, nous sommes parvenus à en extraire un infime échantillon.
Je mesure la gravité de mes déclarations, et je ne peux que trop bien imaginer la terreur que susciteront mes mots. Mais tous doivent connaître la vérité.
Car sous cette antique prison abandonnée, nous avons découvert un mal pire encore que celui à l’origine de l’épidémie. Là où brûle le « feu » des premiers hommes.
Il s’agit d’une petite chambre peuplée d’ogives à demi encaissées sous une dalle de béton. L’eau contaminée s’écoule depuis les étages supérieurs et commence à creuser la surface du coffrage. Dès les premières secondes, nous sommes tombés comme foudroyés. Une chaleur accablante, surnaturelle, fondit sur nous et nous fûmes soudain en proie à de violents hauts de cœurs. Le Pr.Omah ne s’en traîna pas moins au-devant du danger et procéda, le teint cramoisi et le visage ruisselant de sueur, à l’analyse de la structure. Nous avons tout tenté pour le sortir de cet enfer. Mais trop tard. Il a succombé au cours du processus.
Nous sommes remontés en surface. Nous avons fourni aux publics l’intégralité du journal du Pr.Omah, ainsi que toutes les données relatives au projet. Nous avons été interrogés depuis nos quarantaines respectives. Je maintiens ici les propos tenus au cours de chacun de ces entretiens : VANKILA doit être refermée. Il en va de la sauvegarde de notre civilisation.
À l’heure où la maladie terrasse nos semblables, la corruption progresse à un rythme alarmant. Il nous faut réagir sans attendre, anéantir cette métastase avant qu’elle ne gagne toute la Forêt. Je me joins à demande de la géologue Aakii. Nous devons ensevelir de nouveau les ruines, les rendre aussi inaccessibles que possible. La nature cicatrisera. Elle sortira plus forte de notre ingérence sacrilège.
La folie des premiers hommes a donné naissance à un mal terrible. Aussi ont-ils préféré reculer, enfouir leurs échecs dans les entrailles de la Terre.
Et nous avons ignoré chacune de leurs mises en garde.
Ce matin, le Conseil s’est réuni en session extraordinaire. Nos concitoyens sont appelés aux urnes. Le scrutin oppose deux projets contraires. L’installation d’une stèle en surface face à la destruction de toutes traces de VANKILA de la mémoire du monde. Vous l’aurez compris, je soutiens fermement cette seconde proposition. Ériger un second monument reviendrait à répéter l’erreur de nos ancêtres. Les bribes de notre lointain passé sont un trésor inestimable, mais il faut savoir s’en détacher au nom du bien commun. J’ai tout lieu de croire que nous prendrons la bonne décision. Je serais sans doute mort d’ici là, mais qu’importe. L’hiver est là, et avec lui la promesse d’une ère nouvelle. Je pars la conscience tranquille.
Le futur de nos enfants sera brillant. Ils n’auront rien à craindre des démons du passé.